C’était que Versa avait vu de belles heures couler, un ventre de Pan! gonfler, quelques kilogrammes de Mona étonner l’automne, deux étoiles bleutées clair nouvelles au fond desquelles voir chaleur, c’était que, de ce temps-là, Vice s’était donné à clair-voie des paquets d’images mauvaises, des pagailles, de belles chairs tête au pied devenues généreuses, des baisers bons, des rigolades et quelques narcoses, c’était que des mots étaient venus s’écrire sous les yeux de l’Oeil en son propre domaine et chez Bob l’Inquiet – ces derniers créchaient maintenant chez Pan! –, c’était que l’Oeil avait eu plaisirs, plus que jamais, avait acquiescé d’un bon rictus aux choses qui s’était pointées mais que, bien que déclinant, l’Oeil n’était pas dupe et il pouvait interroger qui il voulait ici, et ailleurs c’était au pareil, chacun le lui disait, c’en avait même été à un point qu’on avait pu le dire avant la fin, noire, dégueulasse, misère d’atouts pour un ancien gagneur, l’Année Cinq avait été sombre pour le Pays, ouais les joies de fin d’année converties en "points-achats" avaient été telles que l’ampleur d’icelles révélait la sombre histoire, le Pays secouait sa mine cireuse ridée d’avoir fermé le visage :
non au froid en hiver, non aux hommes qui crèvent dans la rue, qui crèvent l’écran, non à l’occupation illégale des logements, non au printemps qui tue la tiédeur, non à la fête, non à la science, à la pluie, aux périphéries et aux communautés qui détruisent la Nation, non aux malades qui la ruinent, non à l’orthographe, non aux jaunes, aux arabes et aux demi-blancs, non à l’Histoire, aux noirs, au pétard au volant, bordel, non d’avance aux chaleurs de juillet, aux accidents d’avion et à tous les étrangers, non à l’intelligence, aux fainéants, aux alcooliques, aux fumeurs de cigarettes, à tous les genres de drogués modernes qui refusaient de se soigner, non aux chômeurs, non aux héros, non aux enfants, aux escrocs, aux profiteurs et à la Fraude, non au Continent, non à la Porte, non au Monde, non à la nuit, non à la vie, au flou, à la grâce autant qu’à la disgrâce, non au Crime et, parfois le soir, quand l’Assemblée Nationale s’adoucissait, se souvenait de sentiments anciens, pensait, s’indignait calme, décidait, attendait matin, prenait l’autocar en commission, enquêtait, s’indignait la figure rouge de honte, naïve, émue, s’indignait la faim coupée, cauchemar d’un jour, le Pays disait non à la prison, non à la Négation de l’Homme, mais non, que dalle et non à la révolte de l’Homme semblable et non à tout à part soi.
Là, nom de comble de non, quand enfin ce n’était pas le Pays qui disait non et qu’il en devenait quémandeur de oui complices, quand la Nation cessait un instant de se disloquer et demandait à s’unir chacun chez l’autre pour montrer sa belle face métisse, une, indivisible beauté, et son corps ascète survêtu couleurs République aux milliers de tonnes d’Autres en une lointaine période de jeux que le Pays aurait le temps de se préparer à gagner, ouais quand le Pays se voyait comme avant à tu et à toi avec les Empires,
c’était le Monde soient les Ennemis qui ne causent pas la langue magique et veulent détruire la Culture et les faibles Amis, c’était le Monde entier qui disait non et renvoyait les élites du Pays à leur drôle d’amertume geignante, on ne pouvait être partout : le Pays pestait, on ne comprenait plus les priorités, on ne respectait plus la Grandeur Passée ni les coups de trique qu’on avait cessé de donner, le Pays vivait, le Pays encaissait, le Pays s’enrichissait mais le Pays refusait de partager et, quand il avait l’idée qu’il lui était obligé de taper sur la table pour le dire comme un père pénible que l’on dérange, il s’énervait, gueulait oui au Travail, oui à la Famille, oui à la Concorde, oui à l’effort, oui à la police, oui à l’homme de providence qui saurait mettre de l’ordre dans cette vert-de-grisaille.
...Alors ils mettront en rangs les niveaux de gris, ils les presseront tant qu’ils en deviendront lourds, ils expurgeront le blanc, en feront une lande dans laquelle nous serons contraints de vivre, dans laquelle nous ne verrons rien... On n’aura plus d’yeux, on n’aura que des mains, dit l’Oeil.
mathieu diebler