On aurait entendu dans quelque couloir assassin de la République des Chasseurs que PAN! n’aurait été qu’un oiseau de passage, qui serait venu, pour voir, n’aurait vu qu’efforts à faire, touche-à-touterie et paroles fausses de vies sèches, aurait bu un coup, pissé contre le comptoir dans son futal de plumes, serré des pinces à la volée, dit :
Salut, ouais, salut, c’est bien sympa mais ici, dans ce monde-là, on se caille, hein, on se caille bien dans cette drôle de lacune de chaleur, on s’échange, ah ça, pour s’échanger, on se miroite à mort, on fait la roue, on se trimballe, on s’échange, ça, pour sûr, ce qu’on s’échange, on gymnase la réalité, on se fait des photos seins et queue, on se consulte, on s’avise gratos, mais à la fin, à la fin, y a quoi ? A la fin, je vous le demande, est-ce qu’on se touche en vrai ? Est-ce que là, enfin, est-ce que là c’est chaud ? Est-ce que, assis seul face au monde qui parle et s’agite, on se sent un dans millions à deviser cul et chemise ou bien est-ce pas plutôt qu’on est un Seul qui, une fois qu’il l’a donné, sa chemise, se gèle ? Moi ce qu’i’y a, c’est qu’j’ai besoin d’envie, et pas d’envie de quémande, moi, c’que j’veux, c’est qu’on m’vienne, qu’on m’serre, qu’on parte pas longtemps et qu’on me r’vienne, comme ça, comme un mec qu’aurait des cigarettes, pas de feu, et qu’offrirait à qui veut des clopes pour peu qu’on lui ramène du feu, pour peu qu’on r’vienne, au moins, merde !
Au lieu de ça, c’est rien, on te r’garde, on te dit bienvenue, tu repars, personne vient jamais chez toi, tu r’viens, on te dit qu’on est content d’te voir, tu r’pars... Rien. I’fait froid, quoi, i’fait froid et ça m’rappelle de mauvais souvenirs et...
Le mec du couloir aurait poursuivi que PAN! n’aurait pas fait long feu, que PAN! n’était qu’un oiseau de paille, bestiole pixel à que dalle, hauts et bas, petit, petit mental et il aurait ajouté que, sorti du bistrot, PAN! aurait agité ses ailes comme le ferait un ange déçu dans l’attente que quelqu’un sorte du bar et vienne le chercher pour lui offrir un verre, mais personne ne serait venu alors PAN! se serait élancé d’un battement décidé pour voler jusqu’une de ses caches d’armes, y serait parvenu sans mal dans le ciel désert du dimanche, là PAN! aurait défait un paquet, ouvert l’étui d’une carabine 22 Long Riffle qu’il aurait assemblée, meurtrière, puis il aurait ajusté une première tristesse déguisée en nuage qui aurait éclaté en multitude de pluies froides, vengeresses, PAN! ne serait alors qu’un piaf , un piaf aigre.
En vrai PAN! ne serait pas un oiseau parce que PAN! n’aimerait ni l’air pur, ni les collectives nuées, PAN! serait marcheur avant toute chose, ouais PAN! aurait des chaussures et des pieds, des pieds qui sentiraient bon, à cela même on reconnaîtrait PAN! dont on viserait les chaussures avec envie, PAN! accorderait une importance certaine aux extrémités, PAN! penserait les bouts, PAN! ne roulerait pas, ou bien ce serait rare, PAN! serait bipède simple, PAN! serait sédentaire, pas campeur pour deux sous, PAN! envisagerait méfiant les intempéries, certes, parce que la poudre mouillée n’est plus qu’une terre, mais PAN! n’aurait peur de rien, non, surtout pas de l’éphémère.
mathieu diebler
Dessin mathilde tixier.