LE CERCLE PAN!

PAN 065

Les uns avaient les couteaux, les autres le ciel, les néons dépareillaient l’évidence, voilà comme les choses commençaient, finissaient d’une certaine manière, encore était-on au mitan de ce jour noir, mais il y avait du bleu nuit, des trains et des voyageurs qui roulaient sans en avoir l’air, dormaient, dormaient-ils?, merde ! Certains oiseaux, j’écris bien certains, ouvraient leur gueule comme de jeunes mariés plastronnent, ramènent, leur innocence à venir, blancheur, et du vert sapin pour tout le monde ; collecteurs d’ordure, taxis, fêtards, foies saturés, voix graves, ambulances, gestes de saison, boulangers, opérateurs de neuille, toute la faune avait du vert sapin et du bleu de moins en moins marine, du gris beau nickel, de l’oranger de luminaire ou même du brun dans la fumée de sa cigarette, les uns avaient les couteaux, les autres le ciel, c’était un combat perdu d’avance.

mathieu diebler

PAN 064 / verdure 1.14

Dans cette étrangeté de jardin, je m'étais assoupi, endormi même, et j'avais songé jusqu'à partir en voyage avec une valise, des amis, un animal et deux petites filles blondes que l'homme de gare, la foule, auraient insulté en des termes orduriers, c'est vrai, immondes, et il y aurait eu, au creux de ces discours de syncope de vice, une rancoeur gigantesque contre quoi que ce fut qui aurait pu être en un sens une beauté, cette route sortant de la ténèbre éveillée et filant droite, sérieuse, vers l'aube sous les nuages de bleu lourd comme l'eau : si la nuit refusait de partir, s'asseyait et menaçait de durer aussi longtemps que des forces d'un certain ordre la laisseraient là tyranniser son monde ? A la verticale vautrée de l'ombre basse des arbres, je m'étais endormi sur le départ.

La valise ne renfermait rien, c'était une bizarrerie, les amis se comptaient deux ou trois, quatre, quelques-uns mais ils se comptaient sans moi, les amis n'étaient pas des amis, ils faisaient mine, ils le faisaient bien, j'étais prudent en adresse, les bernais là-dessus et sur beaucoup d'autres choses, l'aversion que j'avais pour le chien-chat à poil pauvre hurlant pour ne rien dire, imbécile bête d'un petit mètre à gueule d'enfer, méchante acrobate affûtée sauf à ses ongles longs peints en rose pâle griffant sans relâche le parterre de brillant de ciment de la gare ; je tournais et tournais comme une idée ce que j'avais pour moi, la haine de l'animal.

Les fillettes aveugles souriaient à tous malgré le vacarme, ouais elles souriaient joyeux, leurs cheveux étaient fins, elles n,'avaient pas trois ans mais on leur préférait le chien, la foule, les amis, l'homme de gare, les haïssaient par crainte de la bête qu'elles pouvaient contenir, plus dangereuse que l'autre, le cabot grossi, qui grognait les enfants, que je tenais au regard, mais les cris l'excitaient, sa gorge rendait, bavait, avant sa bouche, de très courtes lèvres et des dents pointues qui avaient fait le mal, j'avais la jambe blessée, nous partions en convalescence avec nos assassins, ouais nous étions un groupe de convalescents qui allaient prendre le train et partir au repos et, en attendant, jusqu'au bout, la foule faisait souffrir en criant, en criant aux petites Salopes ! Sales petites putes ! Sales putes ! et les amis se rangeaient dans le camp de la douleur, bien sûr, et de l'inimitié.

mathieudiebler / Extrait de marchant des saisons En bas photo volée Gare à L.A. P. Leplus

PAN 063 Hé hé !

Hors le monde tout-à-fait naze de Delerm et de toute sa foutue descendance, il existe des mecs qui écrivent dans la langue du pays quelque chose qui vient de loin, du râle, de la colère, de la terre couverte des pierres des villes elles-mêmes couvertes des bars où l'ensemble, une fois dissout, peut devenir drôle à force de divaguer l'ennui, il existe une littérature chantée glissante comme des cailloux ricochent : Stéphane Seret dit des choses hantées que Laurent Pilniak colérique fait savoir en chansons et en geste ; il y a les cordes de l'organe et des guitares, les siennes, celles d'Olivier Elie, il y a les peaux de Bruno Delespal et sa trogne et les notes fauchées de Pascal Berthe ce soir au Limonaire, endroit àfréquenter pour boire et manger et écouter des gens payés à l'ancienne, chapeau. Ceux-là savent que les femmes de trente ans foutent le cafard à ce connard de Vincent et préfèrent la rocaille : elles sont pour Ribo, je le sais.

Le Limonaire, 18, cité Bergère, 75009 Paris. Tel : 01 45 23 33 33. Métro Rue Montmartre. Concerts les 21 et 22 juillet 06 à 22h, trois sets comme au tennis féminin, entrée gratuite.
Dernier album Ribo / Fatras pour chats giflés.

mathieudiebler