LE CERCLE PAN!

PAN 075

Je te raconterai le bord des larmes
Et celui de la mer
Qui sont de proximité,
Tu sais,
De l’eau salée
Et bonne,
Je raconterai,
Des creux humides,
Une plage de cailloux
Corrects,
Avenants,
Allongé,
Je raconterai
Ma fierté
D’homme
De grands rapports
De marée,
Je raconterai ;
Et ce sera une histoire où l’on nage,
Baigneur mailloté,
Couleur
Et bonnet
Contre varechs,
Et je ne dirai rien de végétal,
Pas une lande,
Même,
Pas une bruyère,

Et d’une falaise dont nul ne s’est jeté les temps passés,
Je raconterai une sirène
Qui viendra de l’intérieur
Des terres
Chanter
Muette
La geste des gens de saisons,
Terre-Neuvas pour toujours,
Aventuriers,
Ouais,
Je raconterai
L’histoire d’une sirène
Sans mémoire
Qui a oublié
Et ne sait plus,

Une sirène
Qui ne sait pas nager.

mathieudiebler, Une histoire de sirène in Nous avons des chairs, recueil.
Photos de Elina Brotherus, série Baigneurs, et de Cornelia Nauta, La sirène.

PAN 074

Il a le visage creusé d'une enfant, l'éclat blafard de l'absence; il souffle, il respire, se tient droit; il apostrophe le jour de ce silence dont on forge d'autres fers; il sourit dans le noir, se réchauffe, puis regarde tout autour; il appréhende l'oubli, l'accompagne du geste; il passe la main dans le dos, martèle, entaille d'autres cannes ; il fait chanter d'autres notes à ce qui brûle tout au fond; à peine fardé en surface; il se laisse voir, il écoute, il se cache; il se cherche un nom; ne lui parlez pas de malheur, il s'esclaffe, il se tait, il s'ignore en définition; il brûle ses cigarettes comme on s'offre compagnie; il n'est pas fidèle, il n'a pas le choix; il retrouve son visage, découvre des sourires; il recoud ses manches; il abandonne tout; il a la négligence de ce qui ferme les yeux; il ne porte de paupières que le souffle de l'éloignement; il a envie de voir; de ne rien rater; il porte la faim que le sommeil ignore; il a la gueule grande ouverte; c'est un déserteur, un drôle de vagabond, un dévoreur d'espace; il abat quelques pierres; soigne le regard; il entend choisir son prisonnier; il s'est choisi son ailleurs, tente de s'en persuader.

Il a le visage de la contrainte ou de la nécessité; il exhume la violence ou exalte le besoin; il s'arrache aux limbes, transporte le cercle de ses mesures; il a déchiré ses instruments; il redécouvre le soleil et la peur; il parle le langage du sang qui reflue de mémoire; il ne veut pas pleurer; il sort d'un tableau trop petit; trop grand; il souffle sur le cadre en repoussant les murs; il a les cernes de la volonté, du courage, de la lâcheté; il a l'éclat d'une guenille et d'un diamant; il n'abandonne ses traces qu'à ce qu'il a donné; il ressemble à la vie; mais sur la route, avec Cendrars, "de son lieu de naissance au débarcadère de la mort", il ne disparaît pas; il accompagne; il est toujours là; toujours là parce qu'il parle de l'essentiel; des origines.
Alors un instant seulement, en silence, il oublie son nom: l'exil.

Rodolphe Adèle, texte d'introduction au catalogue de l'exposition à ses parents, variations autour de Le Corbusier, voir PAN 073.
Photo du bas dérobée à Michel Semeniako, série Exil, beau travail sur le bon site Chambre Noire.

PAN 073

... "Et le voyageur, qui rentrait chez lui à minuit, voit le mur blanc de sa maison, et sa vigne et son rosier..." (Claudel) Et j'ai pensé à notre maison, toute blanche sous la lune et j'ai béni Ed. de ce qu'il ait voulu cette blancheur (...) Merci cordial de votre lettre qui vous me montre jouissant de votre demeure, j'en saisis toute l'intimité, la bonne chaleur, les spacieux locaux, les amis qui vous visitent, les choses, la musique, les reproductions de la plastique humaine ou fantaisiste. Albert Jeanneret, frère de Le Corbusier, lettre à ses parents, 19.11.1913.

C'est ici, dans la Maison Blanche construite selon les plans de Charles-Edouard Jeanneret, plus tard Le Corbusier, pour ses parents - le piano de la mère y serait au croisement orthogonal des axes dessinés par les quatre piliers de cette baraque de lumière - qu'a lieu du 23/09 au
29/10 l'exposition à ses parents/Variations autour de Le Corbusier : parce que par-delà l'expérience architecturale, les symboliques de la Maison Blanche (...) sont celles de l'offrande à ses parents, et de précoces voyages métamorphosant la complexité des influences et des échanges avec sa ville d'origine en exil volontaire et définitif (A.M. Bannwart), celles-ci se trouvent au centre de cette exposition plastique (Louise Bourgeois, Felice Varini et de jeunes artistes suisses et d'ailleurs) dans la Maison, d'une programmation de films courts et longs au cinéma ABC, de discussions autour de la question 'A qui profite Le Corbusier ?' au Club 44 et du concert Gershwin par Gershwin réunissant trois générations de Gershwin dans l'autre villa Jeanneret de la Chaux-de-Fonds, la Villa Turque. De là, de ce Jura Suisse d'où coule encore l'absinthe, d'autres mecs partirent sans retour, et Cendrars et Chevrolet mirent les voiles, des adieux de tissu comme Anthony Mirko Bannwart, le commissaire de l'exposition, en installe un peu partout dans la ville.

contact : www.asesparents.org
mdiebler

PAN 072

Bonjour Monsieur Povalovski,

Je vous informe que le corps de votre message est vide,

Vous remerciant de votre compréhension, je reste à votre disposition pour de plus amples renseignements,

Cordialement,

Mathieu DIEBLER
Votre conseiller de clientèle

Bonjour Monsieur Diebler,

En réponse à votre message,

j'ai le regret de vous informer que c'est votre nature qui est morte.

Cordialement,

Noemo Povalovski,
Votre sous-couche

Bonjour Monsieur Povalovski,

Je vous informe que le corps de votre message est plein,
Ouais plein de merde.

Très cordialement,

Mathieu DIEBLER
Votre conseiller de clientèle

PAN 071

Ce qui se passe à la galerie Patricia Dorfmann (Space Invader, ZEVS, Raymond Hains...) est étrange, ce qui se passe là, c'est B.A.D, que présentent par ordre alphabétique Boccanfuso, Agnone et Debombourg soient des photographies du premier, des sculptures et dessins du second et des installations du dernier.
Boccanfuso, c'est le déplacement des centres de réalités vers des endroits que l'oeil de celui qui regarde et la volonté de celui qui montre souhaiteraient ignorer ou bouderaient par habitude, sans désir d'autre.
Agnone, dont Pan! parlait déjà au mois de mai de cette année pour son exposition de mousses sculptées à la Galerie Athanor à Marseille, montre les mêmes objets chez Patricia Dorfmann et y expose des dessins tracés au point minutieux (rotring 0.1) et des textes corrosifs calligraphiés dense, et toujours en toutes choses faites il y a un soin, un clean impeccable de la forme que le message lapide, fantaitise, explore ou figure, il y a des mots, des slogans, des expressions drôles de rage et de la rue et puis des éléphants peinards qu'entreprennent de belles créatures et à qui, parfois, ils rendent du plaisir, il y a aussi des squelettes qui s'ignorent ou se touchent. Debombourg enfin détruit des objets de quotidienneté dont il assemble ensuite les fragments, reconstituant la chose, l'installant au milieu de ses connaissances comme s'il ne s'était rien passé, il interroge alors la fonction de l'objet, usage, harmonie des formes et des places, de la construction et l'assemblage à la customisation, étrange, je vous dis.

Exposition B.A.D. jusqu'au 30 septembre 06 du mardi au samedi de 14h à 19h à la Galerie Patricia Dorfmann, 61 rue de la Verrerie, Paris 4ème, Metro Hôtel de Ville.

Bon, on pourra voir des oeuvres de Thierry Agnone et d'autres artistes de la Galerie au salon Show Off créé parallèlement à la Fiac
par vingt-cinq galeries d'art contemporain parmi la soixantaine qui en sont sorties cette année suite au déménagement de la foire au Grand Palais. Le salon se tiendra du 25 au 29 octobre 06 à l'Espace Pierre Cardin (3 avenue Gabriel, Paris 8ème, Metro Concorde).
mdiebler

PAN 070 / verdure 4.14

Le court répit, ce n’était que ça, du répit. Une chose gronda. Ç’aurait pu être le ciel, la foule, le chien ou le bruissement épais de la trajectoire d’un des objets qu’on commençait à jeter et ainsi faire arme par la destination même, du ventre de la foule à nos corps. Les petites s’y mirent d’un pleur, un foutu pleur d’emblée inextinguible : au premier écho on l’entendait, ce pleur dont on ne savait de quoi il pouvait résulter ne s’éteindrait pas, ne s’éteindrait peut-être jamais.
Je n’avais pas vu juste, ah c’est le moins qu’on puisse écrire, et ma vision autrefois extraordinaire de voyeur voyant était un mirage – ce qu’elle n’avait certes jamais cessé d’être mais, à la place de ces vacances et mort d’animal, j’aurais pu voir dans le positif des viscères une belle scène de baise comme je voyais alors, lorsque j’étais mage sans ustensile et me contentais de pornographie élective toujours bienvenue touchant le toucher éteint, au moins, au moins ç’aurait été plaisir. Mais non, bien sûr, non que bordel de non, il avait fallu que ce que je vis fut une piste fausse d’origine injuste, ouais malhonnête, l’envie vulgaire d’une réalité, une convoitise en vrai, et que j’y crus au point de le faire croire, c’était du temps perdu à ce moment crucial où il fallait faire vite, je merdais.

Les petites étaient déçues, sans doute, sans doute les amis n’attendaient plus rien et avaient pensé aux craques avant tout, j’essuyai un briquet lancé habile d’en dessous de jambes puis le frottement du chien qui se satisfaisait, content, que ce que je lui avais dit était une fausseté et trouvait bath qu’une situation comme celle-là se retourne, en fait pensait que la blague était datée et que, enfin, on lui disait, à lui et à tous, on disait la vérité, finissait de le prendre pour un con. Ça gronda encore. Ce ne pouvait être le chien qui riait maintenant, le ciel, la foule, le bruissement épais conservaient toutes leurs chances ; des questions, des questions, les petites s’y mirent d’un pleur dont le son couvrit celui du premier – le chien leur manquait peut-être, le chien qui hurle ? –, ah ouais j’avais des questions, et je savais le terne.

mathieudiebler